La première femme à avoir fait le tour du monde à vélo, Annie Londonderry

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Annie Londonderry, née Annie Cohen Kopchovsky, fut la première femme à réaliser le tour du monde à vélo. À une époque où les activités sportives et de loisirs étaient limitées pour le sexe féminin, sa détermination bouscula les mœurs. Le 25 juin 1894, la vie de cette jeune Américaine téméraire allait changer. Elle enfourcha sa bicyclette et partit à la découverte du globe sur un simple pari. CycloVagabond vous raconte l’histoire extraordinaire d’une pionnière et d’une icône de l’émancipation féminine.

Annie Londonderry, portrait d’une jeune mère de Boston

Sur la jeunesse d’Annie Londonderry, de son vrai nom, Annie Cohen Kopchovsky, plane un léger mystère. C’est grâce aux recherches de Peter Zheutlin, son arrière-petit neveu, que nous pouvons aujourd’hui dresser son portrait. Ainsi, elle serait née en 1870, dans un pays de la mer baltique, à Riga, en Lettonie. Ses parents, de confession juive, émigrèrent aux États-Unis, à Boston, alors qu’elle était âgée de 5 ans. Troisième fille d’une fratrie de 5, elle grandit à une époque où les dames étaient souvent reléguées aux rôles traditionnels de l’époque victorienne. S’occuper des enfants, de la maison et de leur mari. En 1887, un an après le décès de ses parents, elle se serait mariée, à l’âge de 18 ans, avec Simon Kopchovsky, le père de ses 3 enfants. À cette époque, Annie ne connaissait pas encore la suite de sa destinée.

1880, le succès fulgurant de la bicyclette

Pourtant, les années 1880 marquent une période charnière dans l’histoire du vélo et du cyclotourisme. La bicyclette représente encore une nouveauté, mais commence à susciter un engouement croissant parmi les plus hardis comme Paul de Vivie. Et pour cause, l’invention de la roue libre, du dérailleur ou de la chaîne de transmission améliore de manière considérable le confort et la maniabilité des vélos. Cette technologie alimente ainsi cette nouvelle popularité.

Cependant, alors que les riches parisiennes enfourchent leur bicyclette depuis les années 1860, la pratique féminin du 2 roues fait encore lever le sourcil. D’aucuns considèrent que l’activité sportive est une perte de temps inconvenante pour ces mères de famille. Les scientifiques, quant à eux, y perçoivent un danger pour la fertilité des femmes. Cela n’empêche : le cyclisme vit son âge d’or. Et l’intrépide Annie Londonderry Kopchovsky n’en restera pas insensible.

Un pari fou à l’origine de son périple

En 1894, une rumeur circule jusqu’aux oreilles d’Annie Cohen. Deux businessmen fortunés de Boston auraient lancé un pari : 20 000 dollars contre 10 000 qu’une femme n’aurait pas le courage de faire le tour du monde à vélo. Annie est alors âgée de 23 ans et mère de 3 enfants en bas âge. Elle les nourrit en vendant des encarts publicitaires pour divers journaux de Boston. Le vélo ? Elle n’en connaît pas encore la dimension et la portée sociétale à un moment où le droit des femmes reste limité. Pour autant, elle s’en sent capable et relève le défi sportif. Ce que nous ne savons pas, c’est la raison pour laquelle elle décide de se lancer dans cette épopée. Était-ce pour prouver au gens la capacité des femmes à pédaler en toute autonomie ? Voulait-elle simplement mettre du beurre dans les épinards en gagnant cet argent ? Il faut savoir qu’à l’époque, une telle somme mettait toute une famille à l’abri de la disette pendant une longue période. Voyez une peu : le prix d’un billet en 3e classe sur le Titanic coutait 50 dollars – très cher en 1912. Toujours est-il que grâce à ce pari, Annie Londonderry devient la première aventurière à réaliser le tour du monde à vélo. Neuf ans plus tôt, en 1886, cet exploit fut réalisé par l’anglais Thomas Stevens, sur un grand Bi.

Le départ d’Annie Londonderry pour un tour du monde en 15 mois

Au matin du 25 juin 1894, Annie Cohen Kopchovsky entame son voyage au pied du capitole, à Boston. Son vélo lui est offert par un représentant des Cycles Columbia. Ses bagages sont maigres. Vêtue d’un corset et d’une jupe longue, elle emporte avec elle quelques vêtements de rechange et un revolver. Désormais, le défi est cadré : afin de réussir cette prouesse, elle devra voyager durant quinze mois, partir sans un sou et gagner 5000 dollars sur son itinéraire. Futée, Annie trouve une parade au départ obligatoire les poches vides. Avant de partir, elle se fait aider d’une compagnie des eaux en guise de sponsor. La seule condition : placarder à l’arrière du cadre, une pancarte publicitaire de la Londonderry Lithia Spring Water Company. En échange, l’entreprise lui offre 100 dollars, ses premiers moyens financiers. Elle lui impose également son nouveau nom d’aventurière : Londonderry. C’est le début du sponsoring, largement pratiqué aujourd’hui par les explorateurs et athlètes du monde entier.

Le jour de son départ, une foule de 500 personnes se presse pour contempler l’audace de cette femme du 19e siècle, censée prendre soin du nid familial.

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La bicyclette a fait plus pour l’émancipation des femmes que n’importe quelle chose au monde. Je persiste et je me réjouis chaque fois que je vois une femme à vélo.

 Susan B. Anthony, militante des droits des femmes Américaines Susan B. Anthony, 1896
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Un début de voyage épuisant

Annie Londonderry arrive en septembre à Chicago, épuisée de fatigue, avec 9 kg en moins. Elle songe à abandonner. À noter qu’à l’époque les vélos de femme étaient beaucoup plus lourds et moins maniables que ceux de la gent masculine. Le sien pesait d’ailleurs plus de 19 kg sans compter les bagages et les panneaux publicitaires. Certes, le cadre en col-de-cygne aidait les femmes en robe et les curés en soutane à enfourcher leur vélo sans soulever l’habit. Mais, l’engin restait très difficile à diriger. Ainsi, repoussant les conventions sociales, Annie troque sa bicyclette de femme contre un modèle conçu pour les hommes. Bien plus léger, ce 2 roues l’encourage à avancer. Déterminée à réussir sa performance, elle retire sa longue jupe et son corset serré pour enfiler un bloomer – short bouffant porté à l’époque – et un pull épais. Elle peut enfin chevaucher sa bicyclette en évitant de se sentir empêtrée dans des vêtements peu adaptés à ce genre de pratique.

Des États-Unis à la France

Après un début chaotique de son exploration, elle atteint New York en novembre 1894. Direction la France ! Elle embarque sur un bateau qui l’emmène jusqu’au nord de l’Hexagone où sa notoriété l’a déjà précédée. En effet, depuis quelque mois, en Europe, un bruit court. Il semblerait qu’une jeune Américaine, à la tenue indécente, ait décidé de traverser la planète à vélo, seule, sans homme. C’est ainsi qu’en décembre 1894, Annie Londonderry débarque au Havre. L’accueil n’est pas très chaleureux. La douane saisit son moyen de locomotion. Les journaux, tels que L’Écho de Paris, la citent en ces termes plutôt dénigrants : « Une originale qui va faire parler d’elle. » ou encore « Miss Annie n’est pas belle, belle ! Oh ! Non ! Ceci pour les personnes qui émettraient des doutes sur la vertu de la jeune Américaine ! ». Ses détracteurs la classent dans la catégorie du « 3e sexe ».

Il faut préciser qu’à l’époque, cet outil d’émancipation est également accusé de détourner les femmes de leur « devoir conjugal ». La monture les éloignerait de leur mari. Quant à la selle, elle serait à l’origine d’un « accès de folie sensuel », selon les médecins de l’époque. Fort heureusement, certains journalistes montrent un véritable enthousiasme face à cette aventure qui bouscule les codes du 19e siècle. Ils la considèrent comme une nouvelle femme – a new woman, selon Peter Zheutlin.

Le monde entier à portée de la première cyclovoyageuse

Le moins que l’on puisse dire est que cette jeune féministe – sans vraiment sans rendre compte – est dotée de compétences pour promouvoir son voyage. En effet, c’est en racontant son aventure tout au long du trajet qu’elle acquiert de nouveaux sponsors. Grâce à cette éloquence commerciale, elle gagne de l’argent qui lui permet de poursuivre son périple. Désormais, sa bicyclette et ses vêtements diffusent de la publicité au moyen de rubans et de panneaux. Tel un colporteur, elle traverse la France, du Havre à Paris. Souvent accompagnée par une horde de cyclistes, elle arpente ensuite l’Hexagone de Lyon à Marseille. Elle quitte l’Europe et se rend en Égypte, au Yémen, puis en Asie de l’Est.

Sur le continent asiatique, Annie Londonderry pédale à travers le Sri Lanka, Singapour, le Vietnam, la Chine et la Corée. En mars 1895, elle termine sa course au Japon. C’est dans un port japonais qu’elle prend un bateau à vapeur en direction des États-Unis. Le 23 mars 1895, elle atteint la dernière étape en débarquant à San Francisco. Le voyage entrepris prendra fin 6 mois plus tard, en son lieu de départ : Chicago.

La fin d’un incroyable voyage à vélo pour Annie Cohen Kopchovsky

Entre San Francisco et Chicago, la cycliste sillonna les routes de l’Arizona, du Nouveau-Mexique et du Colorado. En août 1895, elle traversa le Nebraska en train. Un mois plus tard, le 12 septembre 1895, elle termine son tour du globe à vélo en donnant ses derniers coups de pédale jusqu’à Chicago. La boucle se referme. Enfin, le 24 septembre 1895, elle retrouve sa famille, à Boston, avec un bras cassé après une chute lors des dernières étapes de son périple.

Annie Londonderry, la fin d’une histoire, le début d’une nouvelle ère pour le cyclisme féminin

Après son exploit à vélo, Annie Londonderry déménagea à New York avec sa famille. Devenue une célébrité, elle écrivit plusieurs articles relatant son aventure, dans le New York Times. De son imagination fertile, plusieurs histoires cocasses prirent naissance. Ainsi, elle raconta qu’elle fut attaquée par des hommes encagoulés ou qu’elle se rendit à une partie de chasse au tigre en Inde. Elle aurait même rencontré même des prisonniers du goulag en Sibérie.

Au fil du temps, elle se retira de l’actualité et disparut des journaux. Elle mourut en novembre 1947, à l’âge de 77 ans. Son tour du monde restera un symbole de l’indépendance féminine. Cette pionnière et icône de la liberté des femmes démontra que celles-ci pouvaient accomplir des exploits physiques au même titre que les hommes.

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Sources :

https://claudemarthaler.ch/wp-content/uploads/2020/04/p017-SPORT-6.pdf

https://www.geo.fr/histoire/lhistoire-meconnue-dannie-londonderry-premiere-femme-a-faire-le-tour-du-monde-a-velo-211680

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