Entretien avec Giuseppe sur son voyage à vélo en Islande

islande a velo

Parcourir l’Islande à vélo peut vous paraître une drôle d’idée. Entre les reliefs de l’île et une météo peu clémente, la bicyclette n’est pas le premier moyen de transport qui nous vient à l’esprit. Pourtant, pédaler à travers ces paysages volcaniques offre une expérience hors du temps. Vous enchaînez les kilomètres près des cascades au jet puissant. Votre circuit passe à côté des glaciers semblant dévaler sur votre route. Les volcans éteints et les fjords se dessinent en permanence en toile de fond. Cet itinéraire unique, c’est Giuseppe, alias CycloVagabond qui nous le raconte. Entretien avec un cyclovoyageur de longue date, dans cet article.

Bonjour Giuseppe, parle-nous un peu de toi et de ta passion pour le voyage à vélo…

Je suis Giuseppe et je suis italien. Je vis depuis 15 ans à Chamonix. Passionné de voyages en général, j’ai parcouru plusieurs pays d’Asie et d’Europe. Le voyage à vélo s’est installé définitivement dans ma vie il y a 15 ans. Mais j’ai toujours aimé circuler à bicyclette pour les trajets du quotidien. Ce que j’apprécie le plus dans ce type de déplacement, c’est le sentiment de liberté. Avancer à la vitesse de mes jambes, dormir où je veux, m’arrêter quand j’en ai besoin.

Mais le moment que j’apprécie le plus, c’est le matin. Me réveiller, démonter ma tente, charger mes sacoches et partir à la fraîcheur du matin. J’adore les températures basses, donc c’est un pur moment de bonheur pour moi. Ça dure 20 minutes, puis je donne les premiers coups de pédale et après la journée se transforme. Pour moi, c’est le top du top du voyage à vélo.

Et puis, il faut dire que l’Islande à vélo comme d’autres voyages à 2 roues, ce sont de longs trajets où on ne rencontre aucun points d’intérêts. Mais le charme est ailleurs : dans l’effort physique et dans la contemplation des paysages. Tout ça n’est pas possible en voiture, on passe trop vite. Par exemple, sur une piste plutôt sauvage, on a vu des rennes en contrebas. Les automobilistes, eux, ne pouvaient pas les apercevoir depuis leur habitacle. C’est l’avantage du cyclotourisme.

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longue route en islande

Tu reviens d’un périple de 1200 km en Islande à vélo. Comment t’es-tu organisé pour prendre l’avion avec ton vélo ?

Pour vous rendre vers cette destination depuis la France, vous devez déjà dénicher une compagnie qui accepte les vélos. Désormais, presque toutes les compagnies aériennes le font. Étant donné que j’habite sur la frontière entre la France et l’Italie, j’ai choisi de décoller depuis Malpensa, près de Milan. Je n’étais pas en solo, je rejoignais également un ami italien. J’ai pris un billet pour un vol direct : Milan – Keyflavik.

Avant de partir, je suis allé dans un magasin de sport à Chamonix pour récupérer un grand carton. J’ai démonté ma monture en commençant par la roue avant et le guidon. J’ai placé ces 2 éléments au niveau du cadre et j’ai emballé le dérailleur. Attention, n’oubliez surtout pas de dégonfler les pneus. Ceux-ci peuvent exploser pendant le vol à cause de la pression atmosphérique. Et certaines compagnies n’hésitent pas à crever le carton pour contrôler. Pas plus de 23 kg.

Une fois arrivé, j’ai dû me débarrasser de mon carton. Pour cela, le pays est très bien organisé. L’aéroport met à disposition un container, le Bike Pit, où on dépose son carton. Ainsi, on le retrouve à la fin de son voyage ou bien on en prend un autre. C’est très simple et sûr.

cyclovoyageur en islande a velo

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Quels sont les avantages de parcourir l’Islande à vélo ?

Je dirai que faire l’Islande à vélo en dehors de la haute saison touristique est un privilège. Le trafic est faible, on dispose de la route et des grands espaces pour nous. Surtout lorsqu’on roule le matin. D’ailleurs, un autre avantage, c’est le soleil de minuit. Ça nous permet de partir tôt le matin, vers 5 h, et de finir tôt l’après-midi lorsque les gens prennent davantage leurs voitures. De plus, les habitants respectent beaucoup les vélos. Ils gardent la distance de sécurité et nous voient de loin. Il n’y a pas de pistes cyclables.

paysages en islande

Mais la particularité de l’Islande en vélo, ce sont les paysages. Dépaysant ! Parfois, j’avais l’impression d’être en Patagonie, d’autres fois au Kirghizistan et même parfois sur Mars ! D’ailleurs, beaucoup de films sur l’espace ont été tournés là-bas. En fait, à 3 h 30 de vol de la France ou de l’Italie, on se retrouve dans un autre monde. Il y a un mélange magnifique de couleurs et de paysages qui changent tous les 20 ou 25 km. C’est magique ! Et puis, c’est un pays très sûr. On ne voit pas de délinquance, très peu de police. Aucun sentiment de peur.

🚴🏻 Et si vous aimez les paysages d’une beauté isolée, lisez cet article sur la route 40 en Argentine à vélo !

Retrace-nous ton parcours sur cette île…

L’Islande à vélo m’a permis d’expérimenter des routes différentes de celles qu’on a en France ou en Italie. L’asphalte est très granuleux. Je pense que c’est pour éviter aux voitures de glisser quand il pleut. Les routes sont toutes à double sens, mais très étroites. Sur les côtés, on ne voit pas de forêts parce qu’il s’agit d’une île volcanique. Les terres sont recouvertes de lave ; il y a beaucoup de vent, ce qui ne favorise pas la pousse d’une végétation verdoyante. Pour se déplacer, on suivait une carte et le GPS du téléphone qu’on avait en commun.

Grindavik

De Keflavik à Grindavik, vers les cascades

Depuis l’aéroport de Keflavik, nous sommes partis en direction de Grindavik pour suivre tout le sud de l’Islande. On a enchaîné les kilomètres entre Grindavik et Selfoss. À partir de là, les paysages se sont transformés en un territoire magique. Les glaciers, les falaises, les volcans éteints et en activité se succédaient. On s’est arrêtés dans des petits villages typiques du fin fond du pays, pour manger et nous reposer. Nous avons fait une halte devant les merveilleuses cascades de Seljalandsfoss et Skogafoss. Cette dernière est très jolie et mène aux sources d’eau chaude où je me suis baigné. C’était incroyable la différence de température entre l’extérieur et dans l’eau. Du pur plaisir après avoir enchaîné plus de 100 km !

cascade Seljalandsfoss

Mýrdalsjökull, le 4e plus grand glacier d’Islande

Pendant notre voyage en Islande à vélo, nous avons pu voir l’impressionnant Mýrdalsjökull. J’ai trouvé le contraste de couleur surprenant. En fait, le bleu de la glace recouvre la terre noire de pierres volcaniques… C’est à voir !

Les débris d’avion à Sólheimasandur

Ce site touristique est très connu lorsqu’on voyage en Islande à vélo ou à bord d’un autre mode de déplacement. Mais voir la carcasse de cet avion abandonné m’a donné l’impression de remonter le temps. On est restés sur place un bon moment. J’ai pris des photos, je me suis reposé à l’abri du vent et j’ai imaginé un tas de situations dans cet environnement désertique. Cela fait 42 ans que cette ossature gît sur cette plage. Il ne reste que le plus gros de la carcasse, car beaucoup de gens qui sont passés par là ont emporté des morceaux avec eux !

débris d’avion à Sólheimasandur en islande a velo

L’Islande à vélo vers Vatnajökull

À une centaine de kilomètres après la plage, sur la route des glaciers, nous sommes arrivés à Vatnajökull. Je suis resté bouche bée devant les mouvements et la beauté de ce glacier. Sur le littoral, j’ai pu observer les morceaux de glace se jeter dans la mer. On aurait dit des icebergs flottant jusque dans l’embouchure. Un spectacle comme je n’en avais jamais vu auparavant ! J’ai adoré. Du coup, j’ai pas mal dessiné dans mon petit carnet.

Höfn, la 1re grande ville après les glaciers islandais

Höfn, une ville portuaire typiquement islandaise. Je préfère la nature et les vrais grands espaces. Mais, vu la météo peu clémente, j’étais bien content d’arriver. On a trouvé une auberge de jeunesse. On y a dormi à l’abri. Et surtout, on avait besoin de faire sécher nos vêtements après des jours entiers à pédaler sous la pluie ! Depuis le port, on pouvait apercevoir le fjord Hornafjörður. On aurait pu le visiter en bateau, mais nous ne l’avons pas fait, car la météo n’était pas bonne pour ça.

De Höfn à Seydisfjordur

Nous avons roulé dans une zone de fjords jusqu’à Seydisfjordur. On a bivouaqué 2 nuits en haut des falaises. Magnifique, un rêve ! On avait la vue sur les volcans. J’ai pu observer des colonies d’oiseaux comme les fous de Bassan ou les macareux. La nuit – à savoir que le soleil ne se couche pas au mois de mai ! – je n’entendais que le vent dans ma toile de tente et le silence alentour. Ensuite, c’est l’arrivée à Seydisfjordur, une ville d’artistes, où il fait bon vivre, très charmante.

bivouac seljavellir

Egilsstaðir et son lac Lagarfljót

Egilsstaðir, sur la route 1, n’est pas forcément une étape indispensable lors d’un voyage en Islande à vélo. Toutefois, je recommande de faire un détour par le lac Lagarfljót, situé tout près. Ce qui m’a le plus frappé, c’est sa couleur d’un blanc laiteux. En fait, le cours d’eau prend sa source dans le Vatnajökull. Du coup, le lac possède une couleur typique des eaux glaciaires. Très beau !

De Egilsstaðir à Reykjavik

Notre périple en Islande à vélo touchait à sa fin. Nous n’avons pas suivi la piste vers le nord. À cette étape du voyage, il ne nous restait plus beaucoup de jours avant le vol du retour. Mais, les kilomètres, eux, étaient encore nombreux pour rejoindre l’aéroport. Du coup, nous avons décidé de traverser le centre de l’Islande non pas à vélo, mais en bus. De plus, la neige recouvrait encore pas mal de routes dans cette partie plutôt technique. Nous n’avons pas pris de risque.

centre ville de reykjavik

De cette façon, on a pu visiter Reykjavik à vélo durant 3 jours. Cela nous a permis de sortir des rues très touristiques et de découvrir des bars où les locaux se rassemblent. Histoire de partager un moment avec eux. On a fait un tour au Icelandic Punk Museum – un beau musée consacré à l’histoire de la culture punk. J’ai contemplé l’architecture très particulière de l’église Hallgrímskirkj. Sur le port, j’ai été surpris par les vents violents. Bien sûr, il faut préciser que nous avons eu droit à une seule journée de soleil durant tout le voyage et c’était ce jour-là !

musée du punk a reykjavik en islande

🚴🏻‍♀️ Lisez aussi le témoignage de Luca sur son voyage à vélo de l’Italie à l’Espagne.

Peut-on faire du bivouac en Islande ?

Le camping sauvage en Islande est interdit. La raison principale est qu’en été, l’île est assaillie de touristes en vans et en camping-car venus faire un road trip. Du coup, c’est une façon de protéger ce merveilleux environnement. Les seules personnes qui ont le droit de bivouaquer sont les cyclistes et les randonneurs à pied. Eh oui, les distances entre les villes sont très longues, parfois difficiles. À pied ou à vélo, le voyageur ne peut pas toujours atteindre le prochain camping.

En revanche, si l’on se situe à 1 km d’un campement ou d’une ville, on doit faire l’effort d’y aller. Là, c’est strictement interdit de bivouaquer. De même, si vous tombez sur un terrain délimité par des fils barbelés, cela veut dire que ce périmètre est privé. Dans ce cas, il faut demander la permission au propriétaire avant de planter sa tente.

bivouac en islande a velo

As-tu connu des difficultés durant ton voyage à vélo ?

La principale difficulté concerne la météo ! Mais, un bon équipement et un mental d’acier permet de bien résister toute la semaine voire plus. Par exemple, le 1er jour, nous avons pris énormément de pluie – des heures et des heures à pédaler sous des trombes d’eau. Au moment d’installer notre bivouac, nous n’avons pas trouvé d’abri. Résultat : on a monté la toile sous la pluie et dans le vent. On était ruisselants et épuisés. Notre équipement aussi était trempé. Sans parler du vent qui a soufflé toute la nuit, manquant d’arracher la tente à chaque rafale. Pour une 1re nuitée, elle était agitée !

Une autre fois, le vent était tellement fort qu’un arceau a lâché… Bref, le vent à vélo, c’est terrible. Je devais faire attention de ne pas tomber dans le fossé en roulant. En fait, côté météo, on n’a pas eu de chance. En général, le mois de mai est une bonne période pour visiter l’Islande à vélo. Mais nous, on a eu 18 jours de pluie, vent et neige ! Mais perso, j’adore l’aventure, donc là, je me suis régalé !

Raconte-nous tes plus beaux souvenirs de l’Islande à vélo…

Les paysages. La route des glaciers où je roulais à vélo en voyant ces montagnes de glaces qui arrivaient presque sur la route. Vatnajökull où j’ai vu les morceaux de glace flotter jusqu’à la mer. Les énormes falaises m’ont impressionné. Et les nombreuses cascades très puissantes. Et ce que j’ai trouvé le plus bizarre, ce sont les journées sans obscurité. J’ai la chance de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil. Mais parfois, je me réveillais à 3 h du matin avec le jour dans la tente…

Quelle est la meilleure période pour visiter l’Islande à vélo ?

La meilleure période pour parcourir l’Islande à vélo dépend de ce que vous aimez. Le mois de mai est parfait si vous aimez les températures fraîches. En sachant tout de même qu’à cette époque de l’année vous ne pourrez pas traverser le centre de l’île en raison de la neige toujours présente. En juillet, il pleut, mais vous pouvez aller de partout, faire de la randonnée. Enfin, en août, c’est le grand moment du tourisme de masse en véhicules motorisés. Personnellement, je déconseille. D’octobre à avril, représente la meilleure époque pour voir les aurores boréales. Bien entendu, impossible d’y aller en vélo. Et il fait froid.

Quel équipement conseilles-tu pour préparer l’Islande à vélo ?

Quel type de vélo pour voyager en Islande ?

Un VTT cross Country avec des amortisseurs à l’avant est un bon équipement. Les roues doivent être un peu plus fines que la normale sur les VTT afin de rouler sur l’asphalte. Le must, c’est le Gravel. J’y étais en Gravel et j’ai pu rouler de partout ! Avec lui, vous pouvez même faire du bikepacking.

🚴🏻 À lire aussi : comment bien choisir son vélo de voyage ?

Quels vêtements emporter pour un voyage en Islande à vélo ?

J’habite en montagne, donc je voyage avec des vêtements en Gore-Tex. Doudoune, pantalon et veste dans cette matière me permettent de rester au chaud et au sec. Bien sûr, il vous faudra un pantalon de pluie, des chaussures imperméables et étanches.

🚴🏻 Pour partir en Islande, découvrez tout ce qu’il faut savoir sur une tenue de vélo à l’automne !

équipement pour l'islande a velo

Quel matériel pour bivouaquer en Islande ?

Une tente résistante à la pluie et au vent ! Je pense que l’équipement pour dormir est très important. Voyager à vélo exige de bien se reposer. Si tu dors mal après avoir pédalé toute la journée, eh bien, tu ne repars plus le lendemain… De même, il vous faudra un duvet chaud et adapté à votre morphologie. Pour l’Islande à vélo, je vous conseille d’investir dans un réchaud jetboil. Avec ça, vous pouvez allumer votre gaz sous n’importe quelle météo, même la pire. Durant cette excursion, j’avais un réchaud classique. Je m’en suis mordu les doigts ! Certains soirs, j’ai dit adieu à un beau repas chaud.

En parlant de ça, j’ai un petit truc à vous donner. Emporter un thermos dans vos sacoches. Maintenez en permanence de l’eau bouillante à l’intérieur. Ainsi, vous pouvez réhydrater votre nourriture lyophilisée n’importe où que vous soyez. Quelle que soit la météo, vous n’avez plus besoin de sortir le réchaud.

Quel budget avais-tu prévu pour ce séjour de cyclotourisme ?

Pour 18 jours, j’avais prévu 1000 euros avec le vol aller-retour compris. En revanche, j’en ai dépensé 1500. Pourquoi ? Là encore, en raison de la météo qui m’a obligé à dormir dans des auberges plus souvent que prévu. Là-bas, les prix sont assez élevés. La vie est chère.

Quel est le meilleur plat islandais que tu aies mangé ?

Bon, je suis italien et je dois dire que j’ai mangé une pizza délicieuse achetée dans un supermarché ! Pour faire mes courses, j’ai trouvé beaucoup de pâtes et sortes de sauces différentes. J’ai adoré la bière islandaise. Ensuite, je suis végétarien donc là-bas, c’est le pays du poisson. Je n’en ai pas profité ; je n’en avais pas envie. Mais je me suis régalé de leur cheesecake et autres desserts délicieux. Ah et une autre douceur dont les locaux sont très friands : le marshmallow enrobé de chocolat. Une bombe ! Idem, le café est très bon.

Merci Giuseppe pour ce partage de récit. Ton prochain grand voyage à vélo sera la traversée de l’Himalaya. On a hâte de découvrir le récit de cette formidable expédition.

Et si un séjour à vélo organisé vous tente, contactez Giuseppe, alias CycloVagabond ! Ce guide accompagnateur vous prépare l’itinéraire, vous conseille sur votre équipement et vous accompagne dans votre périple. Parlez-lui de votre projet et laissez-vous guider !

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