À première vue, Gaëtan Couffignal est un ingénieur bordelais comme les autres. Mais dès qu’il enfourche son vélo, il devient un explorateur du quotidien, un passionné de routes secondaires, de bivouacs improvisés et de rencontres simples. Originaire de l’Aveyron, il a découvert le voyage à vélo au collège grâce à un prof un peu fou (ou visionnaire ?) qui l’a traîné dans les Pyrénées. Depuis, cette passion ne l’a jamais quittée. Sur les routes de France ou le long du chemin de Compostelle, Gaëtan cultive un art du voyage lent, sensoriel et accessible. Il filme ses aventures, organise des balades conviviales avec sa communauté et partage, avec générosité, ses retours d’expérience sur sa chaîne You Tube Cyclo Voyage avec Gaëtan. Dans cette interview, il nous parle de son parcours, de sa vision du voyage à vélo… et de ses feux de plage mythiques !
Salut Gaëtan, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Gaëtan Couffignal, j’ai 38 ans. J’habite à Bordeaux, mais je suis originaire de l’Aveyron. Dans la vie de tous les jours, je travaille en tant qu’ingénieur de travaux publics à mon compte. Donc le voyage à vélo, ce n’est pas du tout mon métier. C’est vraiment une passion. Je voyage d’ailleurs depuis très longtemps, en fait. Beaucoup depuis 2018-2019, mais, la première fois que j’ai voyagé à vélo, ça devait être au collège avec un prof de SVT à l’époque. Je ne sais même pas si ça existe encore. Il nous avait embarqués sur un week-end dans les Pyrénées. On était juste quelques-uns à avoir pris des vélos, des VTT de merde ! 😀 On était allés grimper un col. Je ne sais même plus ce que c’était. Enfin, c’était un truc. Aujourd’hui, à mon avis, il est en prison, le prof… ! 😂
J’ai toujours aimé faire du vélo. Quand j’étais petit, je partais avec le vélo de la maison, dans la campagne. Et puis voilà, je me baladais, je me promenais. Et petit à petit, les distances se sont agrandies. Après, je suis allé chez mes grands-parents à vélo, donc ce n’était pas beaucoup. Ça devait être peut-être une trentaine de kilomètres. Mais bon, quand tu as 12, 14, 15 ans, ça commence à faire. Et puis voilà. C’est toujours resté un petit peu comme ça, au fond de moi, le vélo.
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Qu’est-ce qui t’a poussé à adopter le voyage à vélo comme mode de découverte et de partage ?
Alors, le vélo, c’est vrai que ça peut être quelque chose de sportif puisque je pratique avec un vélo de route. Mais, quand je pars en voyage à vélo, c’est vraiment l’inverse. C’est pour prendre le temps de découvrir les régions. Je voyage beaucoup en France parce qu’il y a tellement de choses à voir ici. C’est un mode de déplacement qui me convient parce qu’à pied, tu vois, je trouve que c’est trop lent. Mais en voiture, du coup, c’est trop rapide !
Et le vélo, je trouve que c’est le bon compromis entre les deux parce que ça te permet d’avancer suffisamment lentement pour vraiment profiter des endroits par lesquels tu passes. Mais ça te permet quand même d’avancer aussi, de telle sorte, à voir l’évolution des paysages, et ce, durant une même journée. Je trouve que c’est quelque chose d’intéressant.
Et puis, à vélo, je trouve que tu as l’avantage de ressentir plein de choses en plus de ce que tu vois, c’est-à-dire que tu vas pouvoir sentir les endroits par lesquels tu passes. Tu sais, quand tu es en forêt ou à côté d’une ferme, tu vas pouvoir entendre les oiseaux, le bruit des tracteurs qui travaillent ou le bruit des rivières à côté desquelles tu passes. Donc, ça permet vraiment, je trouve, de revenir à des choses simples et de remettre un peu tous ses sens en éveil. Donc, c’est quelque chose que j’aime bien, ce côté vraiment nature, simple.
Et puis, avancer à la force de ses mouvements, c’est quelque chose qui est gratifiant aussi. Quand j’ai traversé la chaîne des Pyrénées par les cols, c’était satisfaisant de me dire que j’étais arrivé à faire de belles choses sans être hyper entraîné, mais juste en pédalant.
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Oui, selon toi, on n’a pas besoin d’être hyper entraîné pour partir en voyage à vélo.
Non, c’est clair que non. Après, forcément, il faut adapter son voyage, ses étapes à son niveau. Si tu n’as jamais fait de vélo et que tu veux pour un premier voyage aller traverser les Alpes, ça sera faisable. Mais, il faudra peut-être le faire sur une durée très longue, avec des étapes adaptées. Forcément, quand on débute ou quand on est avec une famille, avec des enfants, c’est mieux peut-être de commencer par du plat, avec des étapes assez courtes.
Et puis, c’est bien aussi, je trouve, de faire autre chose dans une journée, quand tu voyages à vélo, que de ne faire que du vélo. C’est bien de faire des arrêts pour profiter des endroits par lesquels tu passes. Parce que si tu ne fais que pédaler, au final, ça peut convenir à certains, mais c’est un peu dommage. Le but, c’est aussi de profiter.
Ma façon de profiter, c’est de filmer. Du coup, je m’arrête souvent. Ce n’est pas forcément le but de mes voyages, mais le film, c’est un complément. J’aime bien partager ces voyages pour donner envie. Ça me donne l’occasion de faire plein d’arrêts pour visiter des lieux. Pas forcément des lieux historiques, mais des villages, des coins de nature.

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Justement, tu organises des petites balades à vélo avec les gens qui te suivent sur les réseaux. Qu’est-ce qui te plaît dans ces sorties ?
Oui, c’est ce que j’appelle les cyclo-balades. Je crois qu’on est à la 11e, ce week-end. J’en organise à peu près 2, 3, 4 par an. Ça dépend du temps dispo. Ce n’est pas réservé aux personnes qui me suivent. Mais forcément, celles qui me suivent sont au courant de l’info plus facilement. C’est souvent le cas.
Ce sont vraiment des balades qui sont ouvertes à tous. L’idée, c’est de passer une journée agréable. Convivial à vélo. Certains ont l’impression, quand ils voient les gens sur YouTube, que c’est déjà inaccessible. Je m’efforce de leur dire que je suis vraiment comme tout le monde. Je suis comme eux. Pourquoi on n’irait pas pédaler ensemble ? L’idée, c’est ça. C’est d’aller passer une journée tranquille. Certains, tu vois, au début, sont un peu réticents.
Ils se disent qu’ils ne vont peut-être pas avoir le niveau pour me suivre. Je leur dis que le rythme est tranquille. Ce sont des journées où on fait 45, 50 kilomètres. On prend vraiment le temps. C’est un peu comme je fais quand je voyage seul. Je m’arrête beaucoup.
Généralement, on fait toujours un pique-nique en commun. C’est pareil, je leur dis toujours : plutôt que chacun s’amène son pique-nique dans son coin, chacun amène une partie du repas pour tout le groupe. J’essaie de faire un petit truc qui forme une cohésion dans le groupe. Après, je sais qu’il y en a qui se revoient, en dehors.
Toutes ces balades sont toujours gratuites. Il y en a qui me disent que je ne fais pas payer. Mais non, en fait, on ne fait que du vélo. Tu prends ton vélo, tu montes dessus. Une fois par an, j’aime bien faire une cyclo-balade avec une nuit en bivouac. Je me suis aperçu qu’il y a plein de gens qui étaient un peu réticents à aller dormir comme ça en pleine nature, tout seul, parce qu’ils n’ont jamais essayé. Mais là, c’est l’occasion de le faire en groupe.
Du coup, je vais repérer le circuit, souvent à bord de Garonne, pour trouver une plage qui est assez sympa au bord de l’eau. Et là, en principe, les gens sont conquis !
Parce que le soir, on fait un truc qu’on ne fait jamais en bivouac. On fait un méga feu de plage ! Le truc que l’on ne peut pas faire en général. Mais du coup, ils sont contents.
On fait notre petite grillade. Le matin, quand on se réveille, on est au bord de l’eau. C’est vraiment le truc de rêve sympa. 😀 Au moins, ça leur permet, pour une première fois, d’être rassurés de faire ça en groupe. Les cyclo-balades, c’est un truc que j’aime bien faire à chaque année.
Tu as publié un livre intitulé Compostelle à vélo. Qu’est-ce qui t’a inspiré à entreprendre ce voyage et à le partager sous cette forme ?
C’est vrai que d’habitude, je partage toujours les vidéos, parce que c’est mon truc.
Mais là, ce voyage, en fait, il était hyper spécial, hyper particulier, ce chemin de Compostelle à vélo. Tu fais tellement de rencontres pendant le chemin. C’est le seul voyage durant lequel je suis resté en contact encore aujourd’hui avec des gens que j’ai croisés.
Et ce n’est même pas des Français. Ce sont des Espagnols ! Donc, c’est assez incroyable.
Il y a vraiment un truc, sur ce chemin, qui se passe.
Je ne l’ai pas du tout fait pour un but religieux. Ce n’est pas trop mon truc.
Mais il faut avouer qu’il se passe un truc. C’est quelque chose… Il y a une sorte de bienveillance qui se dégage avec les gens que tu croises sur le chemin. Et puis, le soir, dans les auberges, tout le monde partage son expérience.
En fait, je pense que c’est le fait que tout le monde, finalement, va vers la même destination.
Tout le monde a les mêmes buts sur ce chemin. On va au même endroit. Et puis, tout est remis à zéro. Il n’y a pas de différence de politique, d’argent, de couleur de peau ou autre. Tout ça, ça n’a pas lieu d’être sur ce chemin. Et finalement, il y a une seule et même chose qui nous réunit. Donc ça, c’est assez sympa.
Et quand je suis arrivé, j’ai fait mon film. D’ailleurs, c’est le film le plus long de tous ceux que j’ai faits. Je me suis dit : c’est bien pour les gens qui aiment la vidéo. Toutefois, il y en a d’autres qui préfèrent lire. Ce n’est peut-être pas leur truc de regarder. Ils préfèrent avoir l’objet physique du livre en main. Donc j’ai regardé sur Internet. Et en fait, à l’époque où je l’ai écrit (2023), il y avait zéro livre sur le chemin de Compostelle à vélo. Alors à pied, il y en a des milliers. Et à vélo, il y en avait un. Ce n’était même pas un livre. C’était un guide avec des cartes.
Et, tu vois, un carnet de voyage, il n’y en avait pas. En plus, dans le livre, c’est ce que je fais à chaque fois pour tous mes voyages, je fais un retour d’expérience. Donc tu as toute une seconde partie qui est consacrée à des thèmes pratiques et aux questions que les voyageurs se posent avant de partir : le balisage, le budget, les auberges, etc. Donc là aussi, l’idée, c’est vraiment de partager une expérience pour donner des conseils et donner envie de partir à son tour.
Mon chemin de Compostelle, c’est 2000 km. 25 jours de voyage, à peu près. Depuis le Puy-en-Velay jusqu’à Fisterra, au bord de l’océan atlantique.

D’ailleurs, comment fais-tu pour transporter ton matériel de vidéo en sécurité ?
Tout simplement dans mes sacoches. J’ai une GoPro. Donc ça ne prend pas trop de place. J’ai un trépied que je mets sur le porte-bagages arrière. Mais c’est pareil, quand je m’arrête dans un supermarché, je le laisse là parce que tout le monde s’en fout.
Quand je vais dans un supermarché, par exemple, je regroupe mon drone, la GoPro et l’appareil photo dans une sacoche que je prends avec moi. Ah oui. J’essaie de mettre mon vélo le plus en vue possible. Dans les supermarchés, par exemple, je rentre carrément le vélo. Je le mets devant l’accueil, attaché. En fait, plus c’est à la vue, plus les gens vont l’ignorer. Alors que si tu le caches en le mettant derrière un mur, il sera à l’abri pour celui qui va venir te le toucher. Ce n’est pas un truc qui m’inquiète.
Le truc qui m’inquiète le plus, c’est quand je pose mon appareil photo sur le trépied, que je le lance, que je passe devant. Parce que des fois, je me filme d’assez loin. Et du coup, je me dis que quand je suis à l’autre bout – ça m’arrive d’être à 100, 200 m ou peut-être des fois plus – il suffit qu’il y ait un mec qui s’arrête, il prend l’appareil, il se casse. Et en fait, je ne peux pas réagir. C’est presque ça, le risque le plus important.
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Parmi les nombreux itinéraires à vélo que tu as parcourus, quel a été celui qui t’a le plus marqué et pourquoi ?
Quand on me demande celui qui m’a le plus plu, je suis toujours embêté parce qu’en fait, il y en a plein qui me plaisent. Ils sont tellement tous différents en fonction des paysages et de la durée. Il peut se passer des choses imprévues qui vont rajouter un petit truc en plus.
Mais c’est vrai que ce chemin de Compostelle, je pense que ça a été le plus marquant. Après, celui que j’aime bien aussi, que je garde bien en tête, c’est le tour du sud-ouest que j’avais fait en 2020, pendant lequel j’avais fait la traversée des Pyrénées. Parce qu’en fait, j’étais partie vraiment la fleur au fusil dans ce voyage-là. 😀
C’est peut-être le premier voyage que j’ai fait quand je me suis vraiment remis au voyage à vélo. Je n’étais pas du tout entraîné. Je n’avais pas fait de vélo depuis longtemps.
Et quand j’ai dit ça à mes proches, ils me disaient « Non, mais tu fais ch*** avec tes trucs ! Comment on va faire pour venir te chercher là-bas si jamais tu as un problème ? ». J’ai dit « Non, non, ça va bien se passer. ». 😂 Et puis en fait, c’est vrai que quand j’ai traversé, j’ai fait 20 cols, sans entraînement, chargé comme une mule ! Mais, j’ai réussi à terminer le tour et c’est quelque chose qui m’a marqué.
Et tu vois en fait, même les mauvais moments ou les imprévus finalement, ça peut te gâcher une partie du voyage, mais c’est finalement ce qui fait des souvenirs aussi et des choses que tu racontes. J’aime bien donner l’exemple du voyage que j’avais fait avec ma compagne.
Elle vient avec moi une fois par an. Donc, on essaie de faire un petit truc facile. Et là, pauvre… on avait fait Amsterdam-Paris. Et en fait, on s’est chopé 80 km heure de vent de face tous les jours. Donc, c’était horrible. Même moi, tu vois, je n’en pouvais plus ! Mais, je ne le montrais pas parce que je voyais qu’elle en bavait. Elle aurait été encore plus dégoûtée ! 😂
On s’est arrêté même un peu avant Paris parce que c’était des vacances. Je voyais que là, ça allait craquer !
La phase de préparation d’un voyage à vélo donne des sueurs froides à beaucoup de monde. Toi, tu affectionnes particulièrement cette étape dans l’organisation. Pourquoi ?
En fait, ça va te paraître bizarre, mais la partie de préparation du voyage, c’est presque la partie que j’aime autant que le voyage lui-même. Parce que déjà, je suis très cartésien. Je suis ingénieur de formation. J’adore faire des cartes. C’est vraiment mon truc. Ça ne sert pas forcément à grand-chose pour voyager à vélo. Tu n’as pas forcément besoin de ça. Et moi, j’aime bien essayer d’aller choper un petit chemin, une petite route qui va être plus sympa qu’une autre. Sortir des itinéraires qui sont déjà tracés, balisés.
C’est souvent dans la période hivernale que je fais la préparation. Une période où tu ne peux pas forcément aller faire du vélo. Où les conditions ne sont pas terribles. Et je trouve que pendant que tu prépares ton voyage, tu te projettes. Et ça fait en quelque sorte partie du voyage.
Quand je dis préparation, je ne prépare jamais trop non plus. Parce que quand je dis préparer, ce n’est pas dans le côté réservation. Je ne vais pas aller réserver mes hébergements tous les jours. Parce que je veux quand même garder la liberté. Mais c’est essayer d’aller voir.
Par exemple, sur ma carte, j’essaie de regarder quels sont les lieux par lesquels je vais passer. Est-ce qu’il y a un itinéraire que je veux suivre ? Est-ce que finalement, ça ne vaut pas le coup de s’en écarter à cet endroit-là ? Parce que tu as un lignage qui est hyper sympa à quelques kilomètres. Et voilà, ça vaut le coup de faire le détour. Et ça, ce sont des choses que j’essaie de regarder avant pour ne pas les louper une fois que je suis sur place.
Parce que quand tu es sur place, tu as souvent la flemme. Tu as ton itinéraire. Tu vois un truc qui est d’un côté. Mais tu te dis, je ne sais pas à quelle distance c’est. Et puis s’il faut, ça va monter. C’est bon, je continue comme prévu…
Alors, c’est dommage. Donc j’aime bien préparer pour essayer d’aller voir un maximum de choses. Mais après, je sais que, comme tu disais, il y en a qui n’aiment pas trop ça.
Où peut-on suivre tes aventures ?
On peut les suivre sur la chaîne YouTube qui s’appelle Cyclo Voyage avec Gaëtan.
C’est vraiment là que tout a commencé. Parce que c’est la vidéo qui me plaisait. Je publie plein de vidéos sur les voyages. Elles ne concernent pas seulement le matériel, des trucs et astuces. Il y a aussi des interviews de voyageurs à vélo. Même s’il n’y en a pas eu beaucoup cette année.
Et après, tu as les réseaux sociaux au même nom : Cyclo Voyage avec Gaëtan. Sur Instagram, Facebook. TikTok pour les jeunes. Même s’il n’y a pas grand-chose.
Et puis après… Alors les vrais… Les cyclistes purs et durs vont sur Strava pour regarder vraiment les parcours. Donc je les publie aussi. Mais on va dire YouTube, Instagram, Facebook.
Merci beaucoup Gaëtan, pour cet échange sympathique et enrichissant. Bonne route à toi !
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