Bikecycool, une association vélo pour l’inclusion – Interview

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Chez CycloVagabond, on aime les histoires de vélo… surtout celles où le vélo devient un véritable outil d’inclusion, de transformation et de lien social. C’est exactement ce que propose Franck Ferroux, fondateur de l’association vélo Bikecycool, à Chambéry. À 59 ans, Franck a choisi de tourner la page d’une carrière dans l’industrie pour créer une structure à son image : humaine, bienveillante et passionnée. Avec Bikecycool, il accompagne tous les publics – enfants, seniors, personnes en situation de handicap – vers plus d’autonomie et de confiance à vélo. Pas de formule toute faite ici : chaque parcours est pensé pour s’adapter à la personne. Dans cette interview, Franck nous raconte son cheminement, ses inspirations, ses projets… et surtout la force de ces moments de bascule, quand quelqu’un découvre qu’il ou elle peut. Une belle leçon de résilience, portée par deux roues et beaucoup de cœur.

Salut Franck, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je suis Franck Ferroux, j’ai 59 ans, je suis le fondateur et président de l’association vélo Bikecycool. C’est une asso qui a vu le jour en mars 2024, et qui a fait écho à quasiment un an de réflexion auparavant.

À l’origine, je suis issu du monde de l’industrie, avec des responsabilités, entre guillemets, commerciales à différentes fonctions. Et puis il y a 3 ans, on m’a donné l’opportunité d’être acteur d’un propre changement. On ne peut pas dire que j’ai été licencié en fin de compte.

Passionné de vélo depuis de nombreuses années, j’ai commencé à passer du temps dans une association locale, à Chambéry, Roue Libre, qui organise le festival Vél’Osons. Alors, ça m’a donné des idées. J’ai commencé à réfléchir sur divers aspects dont la mécanique vélo. Mais, globalement ça ne correspondait pas trop à mes attentes.

Alors, avec les salariés de Roue Libre, j’ai commencé à co-encadrer des balades à vélo. Et là, je me suis rendu compte que des choses se mettaient en place naturellement, par rapport à la relation avec les autres. Donc, j’ai creusé la question, et j’ai commencé à ce moment-là, à entamer un parcours de formation dans l’accompagnement à vélo.

J’ai passé mon initiation en mobilité vélo de façon à découvrir les tenants, les aboutissants et les bonnes pratiques pour accompagner des groupes en balade. J’ai persisté derrière en faisant une immersion dans l’agence Synchro Vélostation, à Chambéry, pour mieux découvrir le métier d’animateur en mobilité vélo. J’ai aussi fait un stage de création, de gestion et d’animation d’une vélo-école.

fondateur de bikecycool franck ferroux
Franck Ferroux, fondateur de la Bikecycool

Quelle est la mission principale de Bikecycool ?

C’est une association qui a pour vocation le partage et l’apprentissage autour du vélo, quel que soit le public, quelle que soit la pratique, et pour tous les publics. J’insiste beaucoup là-dessus, parce qu’on veut vraiment intégrer le maximum de personnes dans les animations et les accompagnements.

Nous avons la volonté de faire cohabiter des personnes en situation de handicap, d’autres valides, tenant compte bien sûr des compétences et des capacités des uns et des autres.

Donc l’idée de l’association Bikecycool, c’est vraiment d’accompagner les personnes vers l’autonomie, les faire gagner en confiance, les faire progresser à leur rythme, et surtout de pouvoir travailler sur cette notion d’intégration sociétale pour qu’en fin de compte, à partir de différents publics pratiquants, à différents niveaux, on puisse faire qu’un à la fin. Voilà, donc c’est bien ça un peu la philosophie, les orientations de la Bikecycool.

Cette association vélo a pour vocation de proposer des solutions, des prestations, des animations à un public très très large, du primo-apprenant, enfant, au public senior, qui souhaite garder sa mobilité, son autonomie, se dépasser au quotidien.

Pour résumer, Bikecycool, c’est donc l’apprentissage, la sensibilisation, aller vers l’autonomie, faire gagner en confiance, et progresser à son rythme.

Quels sont les principaux freins que les personnes rencontrent et comment ton association vélo les aide à les surmonter ?

Bikecycool essaie de s’adapter au mieux à la demande des personnes. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on ne fonctionne pas encore comme une vélo-école classique et standard, comme on peut le connaître.

Moi, j’ai privilégié, depuis quasiment un an et demi, les entretiens en direct, en face-à-face. D’ailleurs, la Bikecycool, pour l’instant, est très peu présente sur les réseaux sociaux. On a un site Web qui est en construction.

Donc l’idée, c’est vraiment d’être à l’écoute, de bien comprendre ou d’essayer de comprendre l’histoire de la personne.

Les freins sont liés à différentes choses. Ça peut être culturel ou un état de santé. Ça peut être du quotidien qui n’a pas été forcément bien appréhendé. Ça peut être une pratique complètement inconnue ou un frein économique. Voilà. j’essaie dans mes approches d’adapter systématiquement les choses et d’écouter.

Je suis presque un artisan, puisque globalement, à chaque fois, il faut que je réinvente certaines choses de façon à ce que ça puisse s’adapter vraiment à la demande de la personne.

Je prends un exemple. J’ai fait une intervention la semaine dernière auprès d’un public sourd et malentendant. Certes, j’ai une base de compétences que j’essaie de transmettre. Mais là, il a fallu que je réadapte tout un discours, toute une présentation, et aussi toute une approche sur ce handicap auditif. Il fallait que l’on compense justement par une autre approche.

Peux-tu nous partager une belle histoire ou une réussite marquante qui illustre l’impact de ton association ?

Pas plus tard que la semaine dernière, je suis intervenu auprès d’un public jeune, malentendant, et dans le public, il y avait une jeune, une ado, qui, non seulement avait ce handicap auditif, mais qui, en plus de ça, avait un champ de vision réduit à une pièce de 2 euros.

Donc, c’était un cumul de handicaps pas évidents. Et on a réussi, en l’espace de 2 fois 3 h, en mettant en place des petits ateliers, des petits exercices progressifs.

Elle était dans un groupe, parce que c’est aussi quelque chose auquel je tiens beaucoup. J’essaie de toujours faire en sorte que le groupe reste ensemble. Et après, moi, je m’adapte en conséquence des différents niveaux, quitte à faire des sous-groupes et faire travailler, les gens différemment.

Là, en l’occurrence, ma volonté, c’était de la garder dans le groupe, cette personne. Et du coup, on a mis en place des exercices, travaillé sur la confiance, expliqué, démontré et on y est allés progressivement. En première heure, de la première matinée d’intervention, elle avait beaucoup d’appréhension sur le fait de tenir en équilibre sur un vélo. Mais, arrivée en dernière heure de la deuxième journée d’intervention, cette jeune arrivait à tenir en équilibre, à rouler droit, à porter son regard bien loin et surtout, à lever les mains !

Habituellement, on travaille sur la gestuelle pour être visible par rapport aux autres usagers. Avec cette jeune femme, on s’est arrêtés à l’étape intermédiaire, ce qui était déjà immense pour elle ! Elle arrivait à me faire coucou au passage, aussi bien de la main droite que de la main gauche.

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Lola, bénévole à LA BIKECYCOOL qui aide Sylvain de l’APF France Handicap lors d’une démonstration de vélo adapté

Quels types d’ateliers mets-tu en place et avec quels outils pédagogiques ?

J’utilise pas mal d’outils sous forme de petits jeux. C’est des choses qu’on a créées au sein de l’association. On s’est inspirés de ce qui existait et puis on a essayé de recréer des petits jeux de façon à faire une sorte de brise-glace, comme on dit lorsque l’on fait connaissance d’un groupe. J’essaie de faire beaucoup travailler aussi sur la notion de collaboration entre les apprenants et les apprenantes, c’est-à-dire les faire réfléchir sur des thématiques comme l’équipement obligatoire du vélo, du cycliste et éventuellement sur les mauvais comportements.

Pour cela, je prends le problème à l’envers. J’essaie de leur faire expliquer ce que c’est un mauvais comportement pour, peu à peu, les amener à ce qui doit être un « bon comportement ».

On fait aussi beaucoup d’ateliers à côté ou sur le vélo. Alors, ça peut être bizarre de dire à côté du vélo ! Mais, par exemple, on apprend à tenir son vélo uniquement derrière sa selle ou sur le guidon pour contrôler la trajectoire, à vérifier ses freins, ses suspensions et différents éléments. En général, les ateliers sont progressifs.

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Greg, adhérent à l’association lors d’un atelier pédagogique « je roule, je crève »

Et suivant la demande, souvent, il y a un passage sur du parcours de maniabilité. C’est un parcours sur une surface donnée du style terrain de handball, par exemple. Ça peut être dans une cour d’école, sur un playground ou sur un grand parking en accès libre. On pose des plots, des cônes, des choses comme ça, on arrive à faire travailler sur toutes les notions de pédaler, freiner, rouler, bien entendu, savoir prendre un virage, savoir porter son regard là où il le faut, là où on veut aller, savoir prendre les bonnes décisions. Et ça, en fait, ça se fait dans un circuit complètement sécurisé. On met en confiance et on ne va pas de suite vers le partage de l’espace public, même s’il s’agit d’une piste cyclable sécurisée.

Ensuite, le partage de la route se fait crescendo avec, en général, une première séance sur un parcours de 700 à 800 m, guère plus, mais qui présente différentes situations : une intersection, un giratoire, un double sens cyclable ou autres. Je reste toujours avec les apprenants, accompagné parfois de bénévoles.

Après cela, on va partir un peu plus dans l’espace public. Alors, ça peut être un tour, une balade à vélo en ville et en périphérie. On va essayer d’utiliser au maximum les voies sécurisées, mais qui présentent toujours des passages cloutés, des feux, des priorités, des choses comme ça.

Et puis, on essaie aussi d’aller un peu plus loin. On a la chance, sur Chambéry, un peu comme partout, d’avoir des avenues vertes. Donc, ça permet de partir un peu plus loin de façon à faire découvrir aussi autre chose.

Et ce qui est intéressant, c’est que dans ces balades-là, je remets en pratique ce que j’ai pu voir en termes de procédure. J’essaie, moi, de mettre en place des choses où on va s’arrêter devant peut-être le nouveau stade, la nouvelle piscine. Il y a des gens qui, en fin de compte, ne connaissent pas forcément ces endroits. Ça permet de faire des pauses aussi.

Quels sont tes projets pour la Bikecycool dans les années à venir ?

Alors, j’en ai plein des projets !

Pour 2025, c’est déjà de pérenniser à court terme ce qui a été mis en place. C’est d’être reconnu comme un acteur de l’apprentissage du vélo auprès de tous les publics. Pour cela, j’ai la chance d’avoir mis en place un réseau, d’avoir eu beaucoup de contacts, beaucoup de discussions.

Et je suis sur plusieurs projets qui vont permettre à des personnes d’un handicap psychique ou physique de pouvoir vraiment se déplacer sur des déambulations, se balader à vélo à la journée, toujours accompagnés de leur équipe référente. Tout ça sera soutenu certainement par des collectivités.

L’équipe de notre association vélo handicap est constituée de bénévoles. J’ai vraiment autour de moi des copains et des copines depuis de nombreuses années qui, en fait, rejoignent l’aventure au fur et à mesure. J’ai mes proches, mes enfants, ma femme aussi, qui sont partie prenante dans l’association à différentes missions. L’idée, c’est aussi de pouvoir former en interne des bénévoles à l’encadrement, de façon à ce qu’ils viennent m’aider lorsque j’aurai des groupes un peu plus importants, un peu plus étoffés, sur lesquels il faudra vraiment faire preuve de sécurité et d’un vrai accompagnement.

Donc, voilà, pour 2025, c’est pérenniser les actions mises en place, se faire connaître, développer l’équipe. Bien entendu, un autre nerf de la guerre, c’est de trouver des fonds, des subventions, des sponsors, des mécènes. Ça, c’est le prochain gros dossier sur lequel je vais m’atteler parce qu’on a besoin d’investissement et de matériel – vélo tout terrain, fauteuil tout terrain –, même si derrière, on travaille avec mon partenaire APF France Handicap.

Et puis, pour les prochaines années, j’aimerais qu’on puisse intégrer tous les publics, ce sur quoi je travaille déjà.

C’est un vœu que j’ai : pouvoir vraiment faire un seul public au sein de la vélo-école.

Cela fonctionne, il y a des retours positifs, de la demande. Les contacts sont établis. J’ai cette chance d’aimer le contact humain, la relation avec les autres, donc ça, c’est super important et c’est à l’image même de ce que je fais lorsque je suis en apprentissage avec mes apprenants.

Pour l’instant, Bikecycool est très peu visibles sur le Web. Du coup, où peut-on trouver et contacter l’association vélo ?

Le site Web est en construction. J’ai uniquement développé une page LinkedIn, qui me permet d’entrer en contact avec d’autres professionnels du monde du handicap. Mais pour l’instant, en fait, je me suis fixé une autre approche. Je serai prochainement sur l’opération Mai à Vélo au mois de juin, je serai sur le Galibier Challenge, c’est une cyclo sportive. Je vais animer un stand et faire du parcours réhabilité.

Tu fais également partie de l’organisation du festival Vél’Osons 2025. Que peux-tu nous dire de cet événement sur le voyage à vélo entre autres ?

C’était une belle édition, c’était super ! Il a fallu qu’on se réinvente par rapport aux lieux qui n’étaient pas les mêmes que les années précédentes. Mais, du coup, on a trouvé l’ambiance du gymnase presque plus sympathique, en tout cas plus feutrée et plus cosy. Ça ressemblait un peu plus à la philosophie qu’on veut mettre dans ce festival vélo.

Après ce qui a été un grand succès aussi, c’est plutôt le côté extérieur où il y avait plein d’animations, des vélos qui se sont croisés un peu dans tous les sens et puis surtout une mixité des publics et ça c’était chouette ! On a eu la visite, par exemple, de l’APF France Handicap. C’est un partenaire que j’ai avec la Bikecycool. L’idée c’était de les intégrer au festival. C’était une première ! Ils sont venus samedi et dimanche, avec des personnes accompagnées et ils ont pu expliquer ce qu’était leur quotidien en termes de mobilité. Ils ont pu présenter leurs vélos adaptés à une situation de handicap. Ils ont pu faire aussi tester leurs vélos au grand public et faire 2 ou 3 démos, notamment de transferts d’un fauteuil à un vélo avec une planche ou avec carrément une mini-grue qui prend la personne avec un harnais et la transpose sur son vélo.

Donc ça, c’était super chouette, il y a eu un beau mélange de tout ça, et globalement on était plutôt contents, même super contents de ce qui s’est passé pendant tout le week-end.

Parmi les festivals du voyage à vélo, Vél’Osons, c’est tous les 2 ans. Moi, c’était ma deuxième année en tant que co-organisateur. On est une équipe d’une quinzaine de personnes, on travaille quasiment 18 mois avant, ça veut dire que là, on va laisser passer un peu l’été et en septembre 2025 , on aura la première réunion de lancement pour 2027. On va commencer à mettre en place les choses et à sensibiliser l’équipe de façon à pouvoir la pérenniser sur le temps.

C’est bien l’espacement de 2 ans parce que chaque année, ce serait très très lourd à gérer. On n’est que des bénévoles, donc c’est beaucoup de temps, surtout sur les dernières semaines. Et après, suivant les commissions dans lesquelles on est affecté, par exemple, il y a une commission partenariat qui bosse davantage en amont, une commission contenue qui a un gros boulot de visionnage, de voir un peu la pertinence des films, la qualité graphique, etc. Moi, je suis dans la commission logistique, et du coup on a eu effectivement les 4 dernières semaines vraiment très chargées parce que c’est un peu la phase finale entre guillemets, de tout ça. Ça demande beaucoup de présence, de concentration, imaginer des plans B, des plans C, etc. ! Eh oui, tout ne s’est pas passé comme on l’avait imaginé. Mais ça ne s’est pas vu, donc ça, c’est l’essentiel ! Effectivement il a fallu qu’on improvise pas mal de choses sur place.

Merci Franck pour cette belle initiative. Nous ne manquerons pas de suivre l’évolution de Bikecycool !

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